Cybersécurité : le Cameroun verrouille son espace numérique autour du .cm
Placée sous le thème « DNS et souveraineté numérique : bâtir un Internet sûr et confiant autour du .cm », la cinquième édition du Forum national sur le DNS s’est ouverte Lundi 8 Décembre 2025 à Douala. Une rencontre stratégique, à l’heure où le Cameroun accélère la sécurisation de son espace numérique pour soutenir l’essor de son économie digitale, estimée à plus de 6% du PIB.
Sous la conduite du Directeur général de l’Agence nationale des technologies de l’information et de la communication (ANTIC), Pr. Ebot Ebot Enaw, cette édition marque un tournant majeur : la sécurisation cryptographique de l’extension nationale .cm grâce à l’implémentation du protocole DNSSEC, réalisée en avril 2025.
Un enjeu de souveraineté numérique et de compétitivité économique
Pour le patron de l’ANTIC, la signature de la zone .cm constitue bien plus qu’un exploit technique :

« Elle représente un acte de souveraineté numérique qui garantit l’authenticité et l’intégrité des destinations numériques camerounaises. »
Dans un pays où 8 millions d’internautes accèdent désormais à des services bancaires, administratifs ou éducatifs en ligne, la fiabilité du DNS devient un facteur économique crucial.
À l’échelle mondiale, les attaques de détournement DNS et BGP génèrent chaque année plusieurs milliards de dollars de pertes pour les entreprises.

Selon l’ANTIC, des configurations DNS défaillantes demeurent encore responsables de lenteurs, d’erreurs d’accès ou de pannes qui affectent directement les services financiers, le commerce électronique ou encore les sites institutionnels.
DNSSEC : une avancée, mais une chaîne de sécurité encore incomplète
Les statistiques présentées par le DG rappellent l’ampleur du défi national :
Validation DNSSEC mondiale : 59,84%
En Afrique : 47,77%
Au Cameroun : 56,60%, mais avec d’importantes disparités
MTN (99,75%) et CAMTEL (73,52%) portent la moyenne nationale, tandis que d’autres acteurs tels que Orange Cameroun (2,75%), CREOLINK (25,35%), et plusieurs FAI restés à 0%, creusent l’écart.
Pour l’ANTIC, il est impératif que les opérateurs activent la validation DNSSEC sur leurs résolveurs, faute de quoi la signature de la zone .cm resterait partiellement inefficace.
La voix de l’expertise : « Il faut associer toute la chaîne »
La cheffe de la cellule de gouvernance de l’Internet, Bouba Bamé Rachida, rappelle la nécessité d’une approche collective :

« Antic a signé la zone .cm, mais ce n’est qu’une étape. Il faut associer tous les acteurs : registrars, hébergeurs, opérateurs. Toute la chaîne doit valider DNSSEC pour que la confiance soit complète. »
Elle vulgarise également l’enjeu pour les utilisateurs :
« Lorsqu’un internaute tape crtv.cm ou antic.cm, un attaquant peut détourner la requête vers un site frauduleux. DNSSEC empêche ce type d’empoisonnement du cache. C’est un verrou de sécurité essentiel. »
Le .cm gagne en attractivité économique
Le forum souligne aussi un enjeu économique majeur : la promotion des noms de domaine .cm, dont l’adoption reste encore timide.
Selon l’ANTIC :
2018–2020 : 15 000 à 20 000 noms de domaine
2025 : 33 000 noms de domaine enregistrés
Une progression notable, mais encore inférieure au potentiel national. Pour Mme Bouba Bamé Rachida :
« Les internautes n’ont pas encore suffisamment confiance au .cm. DNSSEC vient montrer que l’extension est désormais sécurisée. Il faut prendre .cm au lieu de .com ou .net. »
Elle insiste également sur l’importance d’un hébergement local :
« Héberger son site à l’étranger ralentit l’accès. Quand c’est au Cameroun, la réponse est immédiate. »
Cette recommandation vise à stimuler la croissance des hébergeurs locaux, réduire la dépendance extérieure et renforcer la compétitivité de l’économie numérique.
Vers un Cameroun leader africain de la sécurité DNS et BGP
Le Cameroun affiche des ambitions claires :
98% de validation DNSSEC chez tous les opérateurs d’ici premier semestre 2026
100% d’implémentation RPKI à la même échéance
La sécurité du routage Internet (BGP) est intégrée à cette stratégie, dans un contexte où 73% des réseaux mondiaux ne valident pas encore RPKI.
Pour le DG de l’ANTIC :
« La souveraineté numérique, la conformité internationale et la protection des citoyens sont les trois piliers de notre vision. »
Un impact direct pour les citoyens et l’économie
Les bénéfices attendus sont multiples :
sécurisation des plateformes bancaires en ligne
fiabilité accrue des services publics numériques
confiance renforcée pour les commerçants en ligne
meilleure performance des plateformes d’éducation et de santé
attractivité accrue du .cm pour les entreprises
Dans un contexte où l’économie numérique camerounaise se professionnalise, la sécurité des infrastructures DNS devient un levier stratégique de croissance.
Conclusion : un appel national pour un Internet sûr et souverain
Le Forum DNS 2025 se veut un moment de mobilisation nationale. Le DG de l’ANTIC a d’ailleurs lancé un appel solennel :
« Faites du Cameroun le leader africain de la sécurité DNS et BGP. Nous avons les capacités techniques et la volonté politique. »
Avec l’implication renforcée des registrars, hébergeurs, opérateurs télécoms, administrations et partenaires internationaux, le Cameroun pose les jalons d’un Internet plus rapide, plus sûr, plus souverain — condition indispensable au développement d’une économie numérique compétitive.
Afric-eco/Etienne MONTHE


