UNIVERSITÉS D’ÉTAT : TENSION A LA VEILLE DE LA PRÉSIDENTIELLE
À Douala, le Collectif des Délégués du Personnel d’Appui, conduit par Albert Émile Mpondo, président régional du SYNPAUC Littoral, interpelle le Chef de l’État sur une série d’injustices restées sans réponse à la veille de la rentrée universitaire et des élections du 12 octobre.
À quelques semaines d’un double rendez-vous crucial pour le Cameroun, la rentrée universitaire et les élections présidentielles du 12 octobre, un autre front s’ouvre : celui des oubliés du système universitaire. Lors d’un point de presse tenu le mercredi 17 Septembre 2025 dans la capitale économique, Albert Émile Mpondo, président régional du SYNPAUC Littoral (Syndicat National du Personnel d’Appui des Universités d’État du Cameroun), a porté la voix d’un corps professionnel souvent relégué aux marges : les personnels d’appui des universités publiques.
Le message est clair, articulé en quatre axes majeurs, et s’adresse directement au Président de la République : « Nous ne sommes pas en grève, mais nous sommes en détresse », affirme M. Mpondo. Une déclaration forte qui résonne dans un contexte politique particulièrement tendu.
Un héritage impayé : la dette du SMIG de 2014
La première revendication a des accents de dette sociale impardonnable. En 2014, la revalorisation du SMIG (Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti) avait été annoncée avec tambour et trompette. Mais pour les personnels d’appui, le compte n’y est toujours pas. Certes, les nouveaux salaires sont appliqués depuis 2021, mais les rappels dus pour la période antérieure restent lettre morte.
« Ce ne sont pas seulement des chiffres. Ce sont des maisons non construites, des enfants sans éducation, des projets de vie enterrés vivants », a martelé M. Mpondo.
Derrière ces chiffres se cachent des histoires humaines : des retraités sans ressources, des familles plongées dans la précarité, des collègues décédés sans avoir perçu un centime de cette revalorisation promise.
Une grille salariale en suspens face à l’inflation galopante
Deuxième point d’achoppement : la non-application de la grille salariale alignée sur le SMIG de 2023, pourtant validée par le Ministère du Travail et de la Sécurité Sociale. Dans un contexte où l’inflation ronge les revenus, l’inaction devient insoutenable.
« Un personnel mal payé, c’est un campus désorganisé, une université à genoux », a résumé le président régional du SYNPAUC.
La mise en œuvre de cette grille, selon le collectif, ne relève pas d’un luxe mais d’une urgence vitale, à la fois pour la dignité des travailleurs et pour la stabilité du système universitaire.
Un avenir professionnel à l’arrêt : l’absence de profil de carrière
Le troisième volet soulève une question de fond : celle de la reconnaissance professionnelle. Aujourd’hui, les personnels d’appui n’ont ni grille d’évolution claire, ni système d’avancement basé sur le mérite ou l’ancienneté.
« Nous sommes les seuls à ne pas savoir où nous allons dans dix ans. Le mérite est ignoré, l’expérience oubliée, l’engagement méprisé », dénonce M. Mpondo.
Une esquisse de profil de carrière serait pourtant déjà entre les mains de la tutelle. Mais là encore, le silence administratif s’impose comme norme.
Un chevauchement des compétences jugé injuste
Enfin, le SYNPAUC s’indigne contre une pratique grandissante : l’affectation de professeurs de lycée et d’instituteurs à des postes relevant normalement du personnel d’appui universitaire.
« C’est un double préjudice : les élèves du secondaire perdent leurs enseignants, et nous, nos postes », déplore le collectif.
Un appel au respect des métiers, à une meilleure gestion des ressources humaines, et à une répartition plus juste des fonctions dans l’administration publique.
Un message fort en période électorale
Le timing de cette sortie n’est pas anodin. Alors que les candidats affûtent leurs discours et que les partis politiques s’affrontent dans l’arène électorale, les personnels d’appui réclament leur part de la parole publique. À la veille de la rentrée académique et du scrutin présidentiel, le SYNPAUC place les conditions de travail et la justice sociale au cœur du débat national.
« Nous ne demandons pas une faveur. Nous exigeons le respect de nos droits. »
Dans une salle pleine de journalistes nationaux et internationaux, le message est passé : le personnel d’appui ne veut plus être le maillon invisible de l’université. Il réclame justice, dignité, et reconnaissance.
Analyse économique : un malaise structurel révélateur
Derrière les revendications du SYNPAUC se dessine une réalité plus large : celle d’un système universitaire qui peine à valoriser tous ses acteurs. L’absence de perspectives salariales et professionnelles pour le personnel d’appui reflète un déséquilibre chronique dans la gestion des ressources humaines publiques. Une revalorisation coûterait certes à l’État, mais elle pourrait générer des gains en efficacité, en moral et en performance institutionnelle.
À l’heure où le pays s’apprête à choisir son futur leadership, la question n’est plus de savoir si ces revendications sont justifiées, mais quand — et comment — elles seront enfin prises en compte.
Encadré : Les quatre revendications du SYNPAUC en résumé
Paiement immédiat des rappels liés au SMIG de 2014.
Application de la nouvelle grille salariale alignée sur le SMIG 2023.
Mise en place d’un profil de carrière pour le personnel d’appui.
Retrait des enseignants affectés indûment aux fonctions de soutien administratif.
Si l’université camerounaise veut réellement incarner l’excellence, elle devra aussi reconnaître la valeur de ceux qui, chaque jour, la font fonctionner dans l’ombre.
Afric-eco/Nathalie MENGATA


