CEMAC : Le grand chantier de la réforme
L’Union Économique de l’Afrique Centrale (UEAC) s’est une nouvelle fois mobilisée pour relever le défi de la transformation institutionnelle.
Dans la continuité de la session extraordinaire de Bangui tenue en juin 2024, Douala accueille depuis le 13 janvier, un atelier stratégique visant à élaborer les textes d’application des nouveaux règlements financiers et de passation des marchés publics adoptés l’année dernière. Cette initiative, pierre angulaire du Plan de Transformation CAP 2025, incarne une volonté renouvelée de rendre les institutions communautaires plus transparentes, efficaces et rigoureuses.
Des réformes tardives mais nécessaires
L’audit réalisé par le nouvel exécutif de la Commission a dressé un constat accablant : une institution affaiblie, sans cadre stratégique clair, et paralysée par un fonctionnement désorganisé. Cet état des lieux a poussé le Président de la Commission, S.E. Baltasar Engonga Edjo’o, à lancer un vaste chantier de réforme. Le Plan CAP 2025 s’articule autour d’objectifs ambitieux, visant à moderniser les capacités techniques et humaines de la Commission, tout en recentrant ses actions sur les priorités stratégiques de l’intégration régionale.
Cependant, malgré la pertinence de ces réformes, de nombreuses interrogations subsistent quant à leur mise en œuvre. Pourquoi avoir attendu si longtemps pour revoir des textes datant de 2009 ? Et surtout, le cadre institutionnel actuel est-il suffisamment robuste pour garantir leur application ?
Un atelier à la croisée des chemins
L’atelier en cours à Douala est perçu comme un test décisif pour la Commission. S.E. Baltasar Engonga Edjo’o, dans son allocution, a exprimé son optimisme quant à l’aboutissement de ces travaux, tout en rappelant la complexité des enjeux. Il s’agit, selon ses mots, de fournir des orientations claires et détaillées pour permettre une appropriation effective des nouveaux règlements par les acteurs concernés.
Au programme, deux volets majeurs :
1. Pour le règlement financier : l’élaboration de textes techniques tels que les nomenclatures budgétaires, les procédures comptables ou encore les mécanismes de contrôle financier.
2. Pour les marchés publics : la mise en place de documents opérationnels, comme les cahiers des clauses administratives générales et les procédures de dématérialisation.
Ces ateliers réunissent des experts régionaux et internationaux, des fonctionnaires de la CEMAC ainsi que des consultants spécialisés.
Une transformation institutionnelle, mais à quel prix ?
Malgré les discours empreints d’espoir, certaines critiques émergent. Si les nouvelles règles visent à garantir la transparence et la bonne gouvernance, leur mise en œuvre dépendra largement des ressources humaines et financières disponibles. Pour Mohamadou Lamine Djika, coordinateur de la cellule de transformation, « ces textes sont essentiels pour améliorer le fonctionnement quotidien des institutions, mais leur efficacité reposera sur une adhésion collective et une réelle volonté politique. »
De plus, la persistance de pratiques informelles et le manque de coordination entre les États membres pourraient freiner la dynamique enclenchée. La mise en œuvre effective de ces textes pourrait également poser problème, compte tenu des disparités administratives et culturelles entre les pays de la zone CEMAC.
Une vision pour 2025, des incertitudes pour l’avenir
Le Plan CAP 2025 et les réformes engagées témoignent d’une volonté de redynamiser une CEMAC en perte de vitesse. Cependant, les défis sont nombreux : restaurer la confiance dans les institutions, renforcer la transparence et assurer une meilleure allocation des ressources.
Pour l’heure, les regards sont tournés vers Douala. Les conclusions de ces ateliers détermineront si la CEMAC est prête à traduire ses ambitions en actions concrètes. Mais la question demeure : ces réformes seront-elles le catalyseur d’un nouveau départ pour l’intégration régionale ou un énième exercice bureaucratique sans lendemain ? Seul le temps le dira.
Afric-eco/Etienne MONTHE