Trésor Public : Un séminaire face aux défis de la modernisation

Du 12 au 14 novembre, la Direction Générale du Trésor, de la Coopération Financière et Monétaire (DGTCFM) organise un séminaire de renforcement des capacités destiné à ses agents. Cet événement, qui se déroule à la salle Tokoto de la Communauté Urbaine de Douala, est censé outiller les responsables du Trésor public et des institutions financières camerounaises avec des compétences techniques et analytiques de pointe, indispensables pour une gestion efficace des finances publics.

Le séminaire s’inscrit dans un contexte où la fiabilité des comptes publics et la gestion rigoureuse des fonds de l’État sont des enjeux cruciaux pour la crédibilité des institutions financières du Cameroun. L’objectif affiché est de renforcer la transparence et l’efficacité de la gestion des finances publics, alors que la corruption, l’inefficience administrative et les pratiques opaques continuent de miner la confiance des citoyens dans les institutions publiques. À ce titre, cette formation semble répondre à une nécessité impérieuse : la modernisation des pratiques comptables et l’optimisation des outils d’analyse financière.

Des Initiatives Louables, mais des Réalités Contraignantes

Si l’intention derrière ce séminaire est louable, plusieurs interrogations demeurent concernant son efficacité réelle. Il est vrai que le Cameroun a entamé un processus de réforme comptable ambitieux, notamment avec le passage à un système de comptabilité patrimoniale en 2022. Ce changement vise à offrir une lecture plus intégrée des finances publiques et du patrimoine de l’État. Cependant, l’on peut se demander dans quelle mesure un séminaire de quelques jours pourra réellement transformer les pratiques quotidiennes de comptabilité public.

Jean Didier AFANE FONO, T.P.G, a bien souligné que cette formation vise à renforcer les compétences des comptables publics face aux défis d’une gestion financière moderne. Toutefois, au-delà de l’aspect théorique, l’application des connaissances acquises au sein des administrations publiques reste un enjeu majeur. Il suffit de regarder les résistances internes aux réformes ou le manque de ressources et d’outils modernes pour se rendre compte que l’impact de telles initiatives pourrait être limité si elles ne sont pas accompagnées de réformes structurelles profondes.

En effet, si le séminaire met l’accent sur des pratiques telles que la comptabilité analytique, les normes internationales et les audits des comptes publics, il est difficile de croire que de simples formations suffiront à renverser une culture administrative parfois ancrée dans l’inefficacité. La question de l’absence de personnel qualifié et de la résistance au changement dans certaines administrations demeure un frein majeur.

Une Formation Isolée face aux Défis Structurels

À écouter les différents intervenants, on comprend bien que le séminaire se veut une réponse aux défis liés à l’application des nouvelles normes comptables. Cependant, force est de constater que la réalité du terrain ne se résume pas à l’acquisition de nouvelles compétences techniques. Le manque de moyens matériels, les lacunes dans la mise en œuvre de réformes numériques et les insuffisances dans la gestion quotidienne des finances publiques ne pourront être comblés uniquement par des formations ponctuelles.

Un autre point soulevé par Jean Didier, le directeur du Trésor, est la nécessité d’aligner la comptabilité publique camerounaise avec les normes internationales, dans le cadre des règles de convergence de la Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC). Ce processus de mise en conformité avec les standards internationaux est certes important, mais il ne saurait remplacer un changement de culture administrative. Les nouvelles pratiques comptables doivent s’accompagner de réformes plus profondes au sein des ministères et des institutions parapubliques, notamment en matière de gouvernance et de transparence.

Les Limites de la Coopération Internationale

Une autre dimension de ce séminaire est la coopération internationale en matière de gestion des finances publiques. Avec la participation d’experts internationaux, le séminaire bénéficie de l’expertise d’organismes financiers mondiaux. Cette coopération, bien que bénéfique, soulève la question de son efficacité face aux défis locaux. Les solutions proposées par les partenaires internationaux, si elles sont pertinentes sur le papier, risquent de se heurter aux réalités du terrain : un manque de moyens, des infrastructures obsolètes, et un environnement politique qui ne facilite pas l’adoption des réformes.

Les critiques soulignent que la coopération internationale, bien que source d’expertise, pourrait s’avérer insuffisante si elle n’est pas véritablement intégrée dans les pratiques locales. Les reformes proposées risquent de rester théoriques si elles ne sont pas portées par une volonté politique forte et une réforme institutionnelle profonde.

Vers une Réforme Durable ?

Le séminaire du Trésor public à Douala marque peut-être une étape importante dans la modernisation de la gestion publique au Cameroun. Toutefois, comme le souligne Patrick Nunyi, inspecteur principal du Trésor, la clé de la réussite réside dans l’adhésion à un ensemble de bonnes pratiques et à un code éthique rigoureux. Une volonté de changement au sein des institutions publiques, un respect strict des normes déontologiques et une gestion plus transparente des fonds publics sont essentiels pour garantir la réussite de cette réforme.

Le défi majeur réside dans la capacité à transformer ces enseignements en pratiques concrètes au quotidien. Le séminaire peut sans doute apporter des outils précieux, mais l’enjeu demeure : comment les intégrer dans une culture administrative souvent marquée par la lenteur et la résistance au changement ? Seul un engagement politique solide et une réforme institutionnelle bien pensée permettront de dépasser les obstacles structurels et d’assurer une véritable modernisation de la gestion des finances publiques.

Afric-eco/Etienne MONTHE

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